Casablanca manque cruellement d’espaces verts. Les quelques projets en cours de réalisation (Casa Anfa, Sindibad, Zenata) n’y changeront pas grand chose : la répartition des espaces est très inégale, et les 2m²/habitant existants restent 6 fois en deçà du seuil recommandé par l’Organisation mondiale de la santé.
L'enjeu des espaces verts n’est pas qu'embellissement. Il serait impossible d’énumérer tous les rapports qui ont démontré leur impact sur la santé et la qualité de vie de manière générale. Ce qu’il faut retenir, c’est que leur importance grandit considérablement à mesure que les surfaces renchérissent et que les logements rétrécissent. Dans les villes à forte densité, les gens ont tendance à passer plus de temps à l’extérieur. Voilà pour l’urgence de Casablanca.
Le principal problème que rencontrent les autorités en tentant de remédier à la situation actuelle est encore et toujours celui du foncier insuffisant et hors de prix. La ville n’est tout simplement pas suffisamment riche pour se permettre d’acquérir du mètre carré à prix d’or pour en faire les squares et les jardins pourtant indispensables à ses habitants.
Il est difficile de ne pas voir sa frustration grandir, lorsque l’on réalise que des centaines d’hectares sous forme de terrains vagues et de structures non habitables servent aujourd’hui de décharges à ciel ouvert, aux odeurs nauséabondes et à la végétation sauvage. Quand elles ne laissent pas s’échapper des dizaines de mètres cubes de terre et de poussière, c’est à des mûrs arborant des inscriptions et des conseils civiques douteux que les passants ont à faire. Il n’y pas un quartier de la ville qui en soit exempt. Leur simple existence rend tout effort d’embellissement complètement vain.
M’est alors venue l’idée de permettre à Casablanca d’exploiter ces terrains pour le bien commun, en attendant que leur sort soit véritablement scellé. Plus prosaïquement parlant, pourquoi ne pas transformer tous ces terrains en surfaces vertes, en attendant qu’une autorisation de construire soit dûment obtenue par le propriétaire et qu’il puisse librement jouir de son bien ?
Avec cette solution, des surfaces inexploitées depuis des décennies — comme celles autour du site Univers Motors sur la corniche, ou des maisons en ruine sur le boulevard Mohamed Zerktouni, pourraient en quelques mois devenir des surfaces vertes dont les Casablancais profiteraient, en attentant que les héritiers, les spéculateurs, les propriétaires, les vendeurs et les acheteurs se décident.
En optant pour le prélèvement d’une taxe d’entretien et de jardinage proportionnelle à la surface des espaces empruntés, la ville ferait ainsi contribuer les propriétaires à l’opération, les incitant à réduire la durée d’inexploitation de leurs biens. L'acquittement du montant total pourrait demain conditionner l’obtention de la fameuse autorisation de construire.
Au mieux, la surface verte globale de la ville rattrape son retard, même temporairement. Au pire, les opérations immobilières en centre ville et les recettes fiscales qui les accompagnent sont relancées par effet d’anticipation d’une loi que certains pourraient percevoir comme financièrement désavantageuse.
Autre impact et non des moindres, la création d’entreprises et de centaines d’emplois de jardiniers et de techniciens, offrant par la même occasion des débouchés pour les nombreux diplômés des centres de formation de l’OFPPT. Nous pourrions également en profiter pour permettre le développement de la filière paysagiste dont l’absence remarquée se fait ressentir à tous les coins de rues.
Casablanca est dans une situation telle que l’audace, l’ingéniosité et la volonté de changement sont les seules armes dont nous disposons. J’ai hâte d’entendre les juristes, les conservateurs, les urbanistes, les élus et les citoyens échanger sur le sujet.